Tuesday, May 11, 2010

All your porn are belong to Jimbo - point de situation

Je fais un point sur la situation, pour ceux qui auraient envie de comprendre et j'y ajoute quelques unes de mes réflexions:

L'affaire pour moi commence vendredi dernier (le 7):
Jimbo part en croisade contre ce qu'il estime des fichiers pornographiques. Il en résulte un effacement d'un certains nombre d'images (environ 80). J'ignore les antécédents précédents, je suppose qu'ils devaient y en avoir mais que ca n'avait rien de bien important.
Certains administrateurs de Commons ont vu l'action, qui visait notamment des fichiers en usage sur les différentes Wikipédias et projets de la fondation et ont procédé à annuler les effacements, un fichier n'étant pas vraiment effacé mais mis hors-ligne et pouvant donc être remis en ligne par la suite. Il s'est alors déroulé  une wheel war (dispute au sujet de quoi faire) ou Jimbo a fini par déclarer plus ou moins son intention de "retirer le statut d'administrateur aux personnes allant contre lui et a incité d'autres administrateurs à continuer avec lui la purge tout en disant aux autres que la discussion des suppressions se ferait après coup." Pour faire simple, cela revient à tirer puis poser les questions au suspect une fois qu'il est mort.


Les effacements réalisés sont consultables ici.
Au final c'est environ 600 fichiers qui auront été effacés sur le moment.

Certains administrateurs ont alors démissionné de leur fonction en protestation.
Le problème est simple: L'action de Jimbo a été imposée, n'a été a aucun moment consensuelle et a semblé venir tout droit de sa propre personne sur aucune base légale compréhensible: Les images dites 'pornographiques' sont régulièrement effacées de Commons, les images pédo-pornographiques ne sont pas légales et peuvent ếtre effacées à tout moment par la Fondation sur demande du FBI ou d'autorité judiciaires compétentes. Les effacement portent en fait sur des images pouvant choquer certains publics: la politique de Commons (et de la Fondation) est de ne pas pratiquer la censure, certes une femme dénudée peut choquer, mais c'est difficile de montrer l'anatomie humaine sans image. Le principe est de considérer que des images peuvent avoir un intérêt éducatif, même si elles ne sont pas utilisées sur Wikipédia à un instant donné.

Il existe aussi un bot, appelé le delinker, qui passe régulièrement sur tous les projets: son but est de lutter contre les liens morts, quand une image est effacée de Commons, et qu'elle etait utilisée, le delinker passe alors pour retirer le lien vers l'image. Elle est donc "délinkée". L'effacement d'une image pouvant avoir des répercussions sur la présentation d'un article, il est donc dans les usages et la normalité de procéder aux effacements que si il est inévitable, généralement pour respecter la Loi, notamment en cas de violation du droit d'auteur. Parfois l'effacement peut être pratiqué pour d'autres raisons, il est alors discuté dans une Deletion Request ou le pour et le contre sont discutés afin de prendre la meilleure décision, en incluant les aspects légaux, ces derniers dominant généralement la décision prise, il s'agit avant tout de respecter la Loi, pas de prendre une décision idéologique. C'est un processus parfois long, mais nécessaire, qui évite que des effacements ne cassent trop les articles illustrés des Wikipédias: Il n'y a en effet pas que la Wikipédia française, il y en a une par langue, anglaise, française, allemande pour ne nommer que les trois plus importantes en taille. Il y a aussi des projets tels que WikiNews, WikiBooks et WikiSources qui utilisent aussi ces images.

L'action de Jimbo est donc problématique, car il faut intervenir derrière le delinker en cas de restauration d'image et il faut le faire sur tous les wikis de la fondation, ce qui représente plus de 300 wikis. On ne peut pas non plus dire: on va couper le delinker, car cela présente le risque que certaines personnes passent sur les projets et retirent à la main les liens rouges: Les effacements du délinker sont tracées et on peut dresser la liste de ce qu'il a délinké, ce qui est plus difficile voir impossible pour des personnes retirant des liens rouges à la main. On peut donc savoir ce que le délinker a réalisé comme effacement, le problème est juste d'aller sur tous les projets et d'annuler à la main chaque intervention... Cela représente une perte de temps non négligeable.


Il y avait bien une affaire 'Sanger' en cours, où  Larry Sanger , le "co-fondateur" de Wikipédia accuse Wikipédia et Commons d'hébeger du contenu potentiellement pédo-pornographique,  mais les effacements réalisés concernent des images à caractère sexuel et érotique en somme toute tout à fait classiques. Ca n'a donc rien à voir.

Le vote sur Meta qui avait été initié pour demander le retrait du founder flag de Jimbo (droit permettant alors de s'attribuer tous les pouvoirs techniques sur les wikis de la fondation) suite à une autre affaire concernant Jimbo et la Wikiversity anglaise a alors été ré-activé. Le but n'est pas tellement de protester contre la décision, mais contre la façon d'y arriver et de procéder. La justification est simple: Le consensus est la règle sur les différents projets, et nul n'est sensé s'en passer ou passer outre:
En trois jours, plus de 300 votes favorables ont été enregistrés alors que les votes 'contre' ont difficilement dépasser les 100 votes. Il y a aussi eu une pétition parallèle à l'intention de Jimbo qui a eu le même genre de résultat, pétition qui lui demandait de bien vouloir respecter les processus habituels auxquels tous les utilisateurs sont soumis.

Il y a eu plusieurs réactions intéressantes:
* Celles des contributeurs qui en majorité n'ont pas approuvé l'action de Jimbo, probablement pour le non-respect du consensus et la méthode employée.
* L'attitude d'une partie des membres du board qui se sont exprimés en premier et dont la position a consisté plus ou moins à défendre Jimbo. On notera notamment le mail de Ting Chen sur fondation-l et la réponse formulée par Anthère, qui traduit à mon avis très bien une partie du malaise perçu: Ting Chen a sur le moment estimé que c'était à la fondation de définir la portée (le scope) des projets et qu'un consensus ne pouvant être atteint par les utilisateurs de Commons sur ce qui est éducatif, c'est donc logiquement à la fondation (et à Jimbo) et le faire. Florence a, me semble-il, rappelé que cela devrait être les utilisateurs des projets qui définissent le Scope et donc le contenu et non le board de la fondation, la fondation étant avant tout présentes pour des contraintes techniques et non éditoriales.

Suites aux multiples votes sur Meta, Jimbo a annoncé qu'il avait limité les pouvoirs administratifs de son 'founder' flag: grosso modo: ce flag ne confère maintenant qu'un droit de lecture du contenu pouvant avoir été effacé, il ne lui ai plus possible de s'attribuer les pleins pouvoirs techniques de manière directe, il ne peut plus non plus supprimer des contenus de sa propre initiative.

Une policy, c'est à dire un ensemble de règles contraignantes, est discutée actuellement sur Commons au sujet du contenu à caractère sexuel
Maintenant, je ne vois pas beaucoup d'espoir que-celle ci aboutisse: par son action, Jimbo a radicalisé les intervenants, certains sont pour la suppression des contenus, d'autres sont contre, au nom de la lutte contre la censure. Pour ma part, ce genre de contenu ne m'intéresse pas vraiment, je me contenterai d'appliquer les règles existantes sans devoir faire trop de concessions. Je ne crois pas qu'effacer des contenus au nom du puritanisme (ou pour tout autre raison d'ordre moral ou culturel) soit la meilleure des réponses à formuler. Je ne crois pas non plus que  crier que ce genre de contenu est présent et en faire la publicité soit aussi la meilleure des choses.


Je me pose aussi la question du pourquoi de l'action de Jimbo: Est-ce pour faire diversion face aux propos de Sanger? Est-ce par peur de perdre des fonds suite à une campagne de dénigrement organisée par Foxnews? Est-ce un moyen d'affaiblir Commons, j'ai du mal à croire qu'il n'ait pas envisagé que cela se terminerait en levée de bouclier contre lui et que cela foutrait un bordel monstre sur Commons. Je me demande quel peut-être l'intérêt d'affaiblir Commons et les projets de la fondation par ricochet. En somme, déjà que je n'avais que très moyennement confiance en Jimbo, le peu qui restait est probablement et définitivement partie avec cette histoire. J'ai l'impression qu'avoir lancé cette nouvelle affaire va plus nous nuire qu'autre chose, les journalistes qui peuvent et vont rapporter les événements ne comprenant pas forcément tous les tenants et aboutissants de l'histoire, le risque de tout mélanger et de raconter n'importe quoi étant, comme d'habitude, enorme.

1 comment:

  1. Merci pour le récapitulatif de la situation. Bon billet.

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